La Virée des ateliers - Suzanne Joubert

« Je crois que je suis double. La moitié de moi-même est assez sociable et un brin intello, à l'aise avec les mots, les théories et les livres et elle s'est employée, surtout dans la première partie de ma vie, à faire de l'organisation artistique, de la critique d'art et de l'enseignement. L'autre moitié est beaucoup plus farouche, peu douée hélas pour les relations publiques, aurait grand besoin d'un impresario, et préfère s'enfermer loin des 'ismes' pour travailler dans l'atelier. Car c'est celle-là qui peint!

Le fait est que la peinture, du moins celle que je pratique, n'est pas de l'ordre du langage et pense en images. J'appartiens à une confrérie dont l'origine remonte aussi loin que la civilisation de Cro-Magnon et la peinture rupestre, 15,000 à 30,000  avant notre ère. Des gens qui ne se rebellent pas à l'idée de prendre leur place dans une longue lignée d'artistes et qui toujours ont introduit les nouvelles idées et les nouvelles découvertes dans l'ancienne pulsion qui  pousse les humains à créer des images.

Mais qu'est-ce donc justement qui nous motive à peindre des images? Il me semble que nous sommes à la recherche du sens de l'existence auquel nous tentons de donner forme pour la paix de notre âme et celle des autres en cherchant à surmonter, d'abord en esprit, le problème jamais résolu de la brutalité humaine et les terribles aléas de la vie sur notre planète. »