Entre lamentation et manifestation : l'expression radicale des émotions

Conférence de Jean-Bruno Chartrand, doctorant au Département d'anthropologie de l'Université de Montréal.

Fortement répandue et pratiquée depuis des siècles, la lamentation ritualisée, aussi nommée women's keening, ritual weeling ou encore women's weeping, est aussi une pratique très répandue à travers plusieurs communautés autochtones du Brésil (Urban, Turner, Lea, Wilco, Schieffelin, Albisseti et Venturelli). Il s'agit d'une lamentation chantée qui sert à exprimer le deuil ou de marquer le départ d'un être cher. C'est lorsque l'on s'attarde aux fonctions communicatives d'une telle pratique, telles que celles énoncées par Roman Jakobson, qu'elle se révèle d'autant plus intéressante. Comme le mentionnait Greg Urban: '''Wailing is a process of making public the feelings of the person who is wailing. It is in-tended not to be heard, in the ordinary linguistic sense, but rather to be overheard. Ritual wailing purports overtly not to engage an addressee, but to allow anyone within earshot access to something that would otherwise be private.''. C'est donc l'effet cathartique d'une telle pratique qui capte l'attention puisque la lamentation devient une performance publique, un exutoire pour qui décide s'y adonner.

Il convient alors de se demander si ce rituel occupe une fonction sociale particulière (individuelle et collective), c'est-à-dire qu'il offrirait une ''plate-forme'' permettant l'expression des sentiments et surtout de créer la communion (ou le concept de complémentarité chez Victor Turner) autour d'un sentiment partagé avec les autres membres de la communauté. On peut alors aussi se demander si la plupart des cultures possèdent ces ''plate-formes'' permettant le partage d'un sentiment qui est alors vécu socialement. En ce sens, il est aussi intéressant d'observer la manifestation comme ''une authentique dramaturgie urbaine'' pour reprendre l'expression de Pascal Lardellier. Bien que le but n'est plus de performer une lamentation chantée, l'abondance de symboles, de slogans et de chants semblent aussi permettre à la manifestation de remplir certaines des mêmes fonctions de communication que celles utilisées lors de la lamentation ritualisée.

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Cette conférence s'inscrit dans le cadre du cycle de conférences INSTANCES RADICALES : ACTIONS ET SUJETS du Département de littérature comparée de l'Université de Montréal, sous la responsabilité de Dominique Hétu.

Affiche de la conférence